Urbanité du 25 juin: le compte rendu
Lionel Tudisco :
Lionel Tudisco, urbaniste à la ville de Sion, présente le projet AcclimataSion, mis en place lors d’une révision du plan de la ville, et qui est une stratégie globale de règlementation pour le développement durable. C’est un projet pilote de développement urbain adapté au changement climatique, retenu par la confédération pour être mené à bien. Le projet s’appuie sur un constat climatique : les précipitations diminuent malgré des évènements pluvieux plus importants et plus violents, et les températures augmentent nettement (+0.5 °C chaque dix ans en Valais). A l’échelle mondiale, on distingue deux risques spécifiquement urbains liés au changement climatique : l’îlot de chaleur (quand la chaleur accumulée la journée dans le centre-ville est conservée dans les matériaux et que la température ne parvient pas à descendre la nuit) et l’imperméabilisation des sols. Les objectifs du projet sont donc d’augmenter la part de vert et de bleu en ville, de préserver le cycle de l’eau, d’améliorer les aménagements extérieurs, et de sensibiliser la population. Plusieurs réalisations récentes intègrent ces principes de développement durable, comme l’aménagement du cours Roger Bonvin, et la Ville accompagne désormais les propriétaires privés pour la réalisation de leurs projets. Des fiches thématiques ont aussi été développées, en partenariat avec l’Hepia, pour rendre ces principes accessibles à tous.
Daniel Garcia :
Daniel Garcia fait partie de l’équipe qui a remporté le trophée Bas carbone EDF 2017, avec un projet de développement d’un quartier au nord de Bordeaux. Le territoire, situé entre Garonne et rocade, était un ancien marais, drainé sous Henri IV et remblayé au 19è siècle. Le scénario prend en compte une augmentation d’1 à 3 °C d’ici 2050, ainsi qu’un déplacement de la végétation et du biotope. Le projet a pour ambition de diminuer de 15% les 60% de la production de gaz à effets de serre attribuables à la ville. L’équipe lauréate s’est inspirée de la « smartgrid » mais utilise des outils low-tech pour développer une « géogrid » sur la parcelle. A partir d’un cours d’eau existant, un réseau hydraulique est tracé et tissé avec des corridors de biodiversité. Une zone inondable est identifiée et des « tchanques » (cabanes de pêche du bassin d’Arcachon) sont réinterprétées pour devenir des fines structures basées sur la figure du château d’eau. Au centre le bâtiment existant devient l’Université Carbone, une école d’expérimentation. Les parcelles crées par la grille sont ensuite travaillées par micro urbanisation comme des clairières habitées. Daniel Garcia termine en présentant rapidement des projets de l’agence Fuso qui mettent en œuvre ces principes évoqués dans leur recherche.
Martine Rebetez :
Martine Rebetez reprend ensuite les données actuelles sur l’évolution du climat : augmentation de plus en plus rapide de la température, sur tous les mois de l’année, augmentation du nombre de jours à plus de 25°C, ainsi que les jours de gel ; et surtout, augmentation des épisodes caniculaires (mortels) puisque la température de nuit augmente aussi fortement et que la ville conserve toute cette chaleur. En outre, ces prévisions sont calculées sur les émissions actuelles des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale qui continuent à augmenter et donc risquent de s’amplifier. En Suisse, les émissions sont stabilisées depuis les années ’90. Pour faire face à ces nouvelles températures en ville, l’arbre est une excellente solution, à condition de choisir la bonne essence. En comparant les températures prises dans 16 forêts différentes, on observe que les feuillus comme le hêtre ou le chêne aident à réguler la température, quand les pins ont tendance à l’augmenter. De plus, l’effet de régulation est croissant avec la température : plus il fait chaud, plus l’arbre agit. Martine Rebetez rappelle ensuite l’importance d’autres critères pour le confort de la population urbaine comme l’isolation des bâtiments, la création de rues agréables aux piétons, et une nécessaire évolution des codes sociaux et vestimentaires. Elle émet toutefois quelques réserves quant à l’utilisation de l’humidité qui peut augmenter la température ressentie.
Julie Imholz :
Julie Imholz présente ensuite le concept de ville éponge, qui devrait absorber l’eau et la restituer quand elle est nécessaire. Avec le phénomène de forte pluie observé à Lausanne au mois de juin, on a pu constater que l’eau n’est pas absorbée, ruisselle et n’est pas gérée. D’où l’importance de favoriser les sols perméables qui gèrent l’eau et agissent en plus sur le refroidissement nocturne évoqué précédemment. Au travers de plusieurs projets en Suisse ou ailleurs, l’architecte paysagiste présente des solutions pour adapter la ville à ces changements climatiques : la renaturation des cours d’eau, le maillage bleu / vert, le choix de revêtements perméables, l’utilisation de toitures végétalisées, la création de bassins de rétention, de zones humides, de noues et même de bassins de phyto-épuration. Julie Imholz conclut en affirmant que l’amélioration du climat urbain est aussi une amélioration du climat social.
Table Ronde :
Les zones humides ne risquent pas d’être interprétées comme le retour des marécages et des nuisances associées ? Pour éviter cela, le marécage doit être total et permettre l’apparition de prédateurs des moustiques. On peut aussi introduire des systèmes low-tech de mouvements de l’eau pour éviter qu’elle ne stagne (moulins à vent, cascades…) La discussion conclut sur la valeur monétaire du développement durable qui doit être perçu comme un moyen d’économie pour les villes : diminution des réseaux, baisse d’utilisation des STEPS, valorisation des terrains….
Héloïse Gailing, SIA Vaud