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urbanités du 07.12: le compte-rendu

Maître de l’ouvrage, architecte: qui pilote le projet?

La gestion d’un projet de construction, scolaire par exemple, est complexe. Comme le dernier rapport de la Cour des comptes du canton de Vaud le fait remarquer, les communes rencontrent souvent des difficultés pour organiser, assurer le suivi et la maîtrise du projet et des coûts. Le pilotage d’un projet est donc crucial. Reste à savoir qui l’exerce : le maître de l’ouvrage ou l’architecte ? Pour leurs projets d’envergure, les communes font appel à des spécialistes appelés RMO (représentant du Maître de l’ouvrage) ou BAMO (bureau d’assistance au maître de l’ouvrage). Qui sont-ils et qu’offrent-ils ?
Ces « intermédiaires » parent-ils au manque de compétence des maîtres d’ouvrages ou au manque d’engagement des architectes ? Sont-ils des interlocuteurs incontournables ? Leurs prestations renchérissent-elles le coût de construction ou, au contraire, sont-elles garantes de l’économicité du projet ? Les architectes doivent-ils être cadrés par ces intermédiaires ou sont-ils les partenaires de confiance des maîtres d’ouvrages ? La clarification des tâches et responsabilités de chacun s’impose, car la confiance mutuelle est l’un des fondements de la réussite d’un projet.

Jacques Richter, de son point de vue d’architecte, entend faire un constat sur l’évolution de la profession depuis trente ans. Pour lui, le respect, l’écoute et la confiance sont des valeurs nécessaires au bon déroulement d’un projet, et les rôles de maître d’œuvre et maître de l’ouvrage sont ainsi définis depuis le moyen âge dans la construction. Il cite l’exemple du siège social de Nestlé, bâtiment majeur dans le paysage suisse, pour lequel Jean Tschumi s’adressait directement à deux directeurs généraux, tandis que le bureau Burkhardt et Partner, ayant réalisé l’aile Est en 1975, avait dû se confronter à une commission. Dès lors, il parle de distillation des rôles qui, avec l’avènement du post-modernisme dans les années 1980 et 1990, s’est développée jusqu’à une perte de confiance en l’architecte, favorisant la position des entreprises totales. Il nous rappelle l’équilibre inhérent à tout projet : Coût / Qualité / Délais. Avec la complexification de la construction, on a vu apparaître de nombreux intermédiaires dont certains nécessaires, mais qui ne sont pas toujours issus du monde de la construction. Jacques Richter met alors en garde sur la perte de contact liée à l’augmentation des barrières et filtres entre le maître de l’ouvrage et ses mandataires. Il s’agit pour lui d’un ralentissement du processus décisionnel. Il appelle enfin à préserver le modèle suisse qui permet encore à l’architecte de mener son projet jusqu’à la réalisation.

Gwilherm Duré définit ensuite ces différents rôles évoqués, en s’appuyant sur la norme SIA 112. Le maître de l’ouvrage est le propriétaire ou investisseur, décideur suprême et requérant dans les procédures d’autorisation. C’est lui qui définit les objectifs du projet, son financement et sa rentabilité, valide les choix, adjuge les travaux et gère la communication du projet. Quand il n’a pas les compétences, il peut être assisté dans ce rôle, ce que Guilherm Duré ne considère pas comme une barrière, mais un soutien. C’est alors qu’intervient un Bureau d’Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage (BAMO) ou un Représentant du Maître de l’Ouvrage (RMO). Le BAMO est un état-major qui assiste en conseillant en tant qu’expert sur une ou plusieurs problématiques. Le maître de l’ouvrage reste responsable. Le RMO va jouer le rôle de filtre, de manière positive, en représentant le maître de l’ouvrage qui prend toujours les décisions générales au projet, auprès des mandataires, dans le cadre d’action qui lui est imparti. Il peut même soulager les mandataires en assumant des prestations qui entrent dans le cadre de la norme SIA 102 : organisation du projet, rédaction des PV, appels d’offre, demandes de subventions, estimation des coûts d’exploitation… Selon lui, le travail peut être commun, pour autant qu’il soit basé sur la communication et la transparence.

Gustave Muheim expose, quant à lui, sa vision de maître de l’ouvrage, après son expérience de la construction des halles Sud de Beaulieu et plus récemment du collège de Belmont. Il constate lui aussi une évolution professionnelle depuis les années 1970, quand l’architecte était encore le pilote du projet, et partage l’interprétation négative du rapport de la Cour des comptes concernant les constructions scolaires remettant en cause les compétences de l’architecte et faisant prévaloir le prix sur la durabilité d’un ouvrage. De fait, le programme initial du collège de Belmont visait une construction rapide et peu onéreuse que les architectes lauréats avaient néanmoins dépassé. La maîtrise d’ouvrage a su adapter le budget et le planning pour finalement obtenir un bâtiment satisfaisant l’ensemble des intervenants. Cependant, l’audace et l’invention des architectes ne sont pas suffisantes si, au sein du Conseil communal, personne n’a les compétences requises. Le BAMO, ou RMO peut alors combler le manque de spécialistes et même permettre des économies, s’il intervient dès l’établissement du cahier des charges. Il conseille donc aux municipalités d’anticiper leurs projets pour mieux les planifier et gérer leurs coûts, tout en regrettant certaines lacunes dans l’enseignement de l’architecture concernant les problématiques relatives aux marchés publics.

Maître Blaise Carron explique que, d’un point de vue juridique, le pilote d’un projet est un binôme composé de l’architecte et du maître de l’ouvrage, dont les tâches sont définies et réparties par la norme SIA 112. Le BAMO, ou RMO, ne doit pas être considéré comme un deuxième architecte, mais bien se substituer au maître de l’ouvrage lorsque ce dernier n’a pas les compétences requises pour mener à bien son rôle. Son intervention doit être définie selon un mandat clair, et intégrée dès la définition du projet. En effet, le concours permet de choisir le meilleur projet si le programme et les coûts sont réalistes et non pas seulement « politiques ». Le BAMO, ou RMO, assure une stabilité dans le cahier des charges. En cas de surcoût, les responsabilités sont réparties entre maître de l’ouvrage et architecte. Ce dernier assume ses erreurs de planification, de coordination ou d’estimation des coûts tant que le surcoût n’est pas lié à des imprévus ou des commandes supplémentaires du maître de l’ouvrage. Cependant, il rappelle qu’il est du devoir du mandataire d’informer son client des conséquences de ses choix. Là encore, Maître Carron insiste sur la transparence et la communication entre les parties.

Table ronde

L’architecte est-il responsable de sa perte de position de chef d’orchestre ? Gustave Mulheim regrette la disparition du droit à l’erreur dans notre société qui veut toujours trouver un responsable. YvesGolay (SIPAL) intervient pour constater une perte de compétences chez les architectes et affirme que le canton est dans une procédure de clarification des rôles. Pour Gwilherm Duré, cette perte de responsabilités est aussi liée à la difficulté croissante des choix de mandataires. Selon Maître Carron, il s’agit plutôt de spécialisation que de complexification du domaine. Le Canton devrait-il accompagner les communes dans la maîtrise d’ouvrage ? Yves Golay appuie les démarches pour que les procédures soient encadrées par des professionnels et il encourage les architectes à présenter des équipes complètes de mandataires. Quelle est la responsabilité du RMO en cas de surcoût ? Selon son contrat de mandataire, le dommage est réparti en fonction de la causalité, mais les problèmes sont généralement réglés entre assurances RC.

Héloïse Gailing, architecte SIA