Urbanités du 05.10: le compte-rendu
Géobiologie et environnement bâti : ésotérisme ou science occulte avérée ?
Connue depuis des siècles par les grands bâtisseurs à la recherche d’emplacements où l’énergie était plus forte qu’ailleurs, la géobiologie a été peu à peu oubliée au cours des siècles avec l’avènement d’une architecture plus fonctionnelle et pragmatique. La géobiologie est-elle le fondement de l’architecture ou l’invention d’humanistes crédules? Réseaux telluriques, cours d’eau souterrains, ondes électromagnétiques, comment l’architecture peut-elle tirer parti de ces phénomènes invisibles? Fait de civilisation? Y a-t-il d’autres croyances ou sciences parallèles avec un marché fumant pour des maîtres d’ouvrages nantis, naïfs et blasés? Quelles légendes ou croyances influencent l’urbanité? Ces croyances remplacent-elles les religions traditionnelles et leurs préceptes urbains? La géobiologie est-elle un moteur de projet ?
Christian Gilot, en montrant des cartes de villes comme San Francisco, Ségovie, Amsterdam ou Bruxelles, explique que le lieu est un ensemble de forces qui façonne la construction. L’eau, entre autres ressources, est un danger ou un outil que l’Homme a transformé pour bâtir ses villes. De même, le regard sur la nature et ses forces a orienté et dimensionné les proportions et l’échelle de la ville. Le lieu implique pourtant plusieurs mesures. La valeur culturelle entre parfois en conflit avec l’implantation « naturelle ». A Cracovie ou à Lausanne par exemple, la ville repose sur un système dans lequel les bâtiments religieux font exception car régis par une orientation « sacrée » contrairement à Florence où cette même orientation (Est-Ouest) s’accorde avec la grille romaine existante. A partir de ces exemples construits, il rappelle que nous sommes toujours quelque part et que nous nous tenons sous plusieurs mesures. La conscience du lieu s’accompagne d’une interprétation culturelle.
Stéphane Cardinaux explique ensuite ce que la géobiologie peut apporter aux architectes et à la construction. Ses domaines d’application vont de l’étude de terrains à bâtir à l’expertise de constructions existantes, ou l’aide à la conception. A partir de son propre ressenti et d’outils de mesures (géomagnétomètre, baguette rad-master, sonotest), il répertorie les failles telluriques, courants d’eau et autres perturbations du champ magnétique présentes dans le sous-sol afin de déterminer la meilleure implantation possible. Son travail s’appuie sur un tracé régulateur, issu de l’art des bâtisseurs, dont les lignes ont servi à construire les villes romaines et médiévales et sont encore utilisées aujourd’hui au Tibet.
Le choix de matériaux, les ondes de formes, le positionnement des équipements électriques de la maison, la dynamisation de l’eau … sont aussi des données prises en compte dans l’aide à la conception ou l’intervention sur des constructions existantes. La géobiologie a pour objectif le bien-être des usagers, humains et animaux, ces derniers étant plus sensibles. Si ce bien-être n’est pas quantifiable, on peut cependant observer les effets du magnétisme sur le corps grâce au biopulsar qui montre un changement de pression sur les organes quand la mesure est prise au dessus d’une faille tellurique. Des améliorations et corrections sont possibles pour les constructions existantes ; il est néanmoins préférable selon lui d’agir en amont, dès l’implantation du projet.
Ueli Brauen expose une expérience personnelle depuis son parcours d’architecte praticien. D’abord confronté à la difficulté d’utilisation des mots tels que « champs magnétique » ou « ondes », c’est son intérêt pour la physique quantique qui l’a conforté dans l’existence de phénomènes de disparition de lumière ou de matière qui ne correspondent à aucun schéma mathématique connu. C’est après la rénovation d’une ferme à Noville, et en constatant un certain inconfort, qu’il a contacté le géobiologiste Yves Murith. Ce dernier intervient en plaçant une roche sur le terrain voisin ; intervention qu’il qualifie d’efficace puisqu’il ressent immédiatement une amélioration de bien être et un changement de luminosité.
Puis, lors de la cérémonie de la première pierre pour la construction de logements à Beaulieu, il fait appel à André Paparusso qui choisit un bloc erratique déjà présent sur le site, et à l’échelle du quartier. Le spécialiste fait placer cette pierre selon son positionnement initial. Ueli Brauen parle alors d’un ressenti de lumière et de chaleur, partagé par le public. Les habitants semblent effectivement satisfaits de leurs logements, sans pour autant savoir si ce bien-être est dû à la pierre ou à la qualité de leurs appartements. Car l’architecte, dans son projet, cherche toujours l’interaction avec la nature par la vue ou l’implantation. Cette interaction est d’ailleurs mise en avant dans le projet de maison pour soins palliatifs de Rive Neuve à Blonay où les architectes ont implanté le bâtiment selon la végétation existante puis soumis ce plan au géobiologiste, qui a confirmé leur intuition. Finalement, Ueli Brauen compare sa collaboration avec les géobiologistes à celle avec des artistes. Il s’agit de faire appel à un spécialiste pour des questions de sensible.
Table ronde Ce rapport à la nature est-il un héritage des « anciens » à prendre en considération ? Selon Stéphane Cardinaux, la sensibilité du lieu est toujours la même et donc une donnée stable. Pourtant, Christophe Gilot rappelle que chaque culture interprète cette sensibilité selon ses valeurs et que la donnée culturelle doit donc être prise en compte. La géobiologie pourrait-elle être enseignée à l’université ? Christophe Gilot évoque la présence de chapitres consacrés à ces études dans les grandes théories de l’architecture de la Renaissance (Alberti, Palladio) mais relève qu’une fois encore, il s’agit d’interprétations culturelles du ressenti. Selon Ueli Brauen, on pourrait enseigner l’historique du sujet mais cela reste une science inexacte. Pour Stéphane Cardinaux, il s’agit d’un ressenti qui ne peut s’enseigner, chaque être ayant une sensibilité différente. Il témoigne toutefois de l’intérêt d’étudiants qui intègrent ponctuellement la géobiologie dans leurs projets et diplômes. La hauteur et l’échelle influent-elles sur la géobiologie ? Les mesures de Stéphane Cardinaux sont effectivement sensibles à la hauteur puisqu’il s’agit de forces venant du sous-sol. La géobiologie s’applique sur le bâtiment directement, de manière proche, contrairement au Feng-shui qui inclut différentes échelles et peut donc s’appliquer à la ville.
Héloïse Gailing, architecte SIA