Urbanités du 15 novembre 2021 - le compte rendu
Marc Frochaux, modérateur de la soirée, souhaite la bienvenue au public du F’AR réuni en nombre pour l’occasion. Il introduit son propos en soulignant que le nombre de concours semble diminuer. Il soulève également la question de la relève, qu’il serait bien d’encourager en introduisant par exemple une clause spéciale. Il se demande enfin s’il faut plutôt réviser les règlements ou réviser la pratique.
Il passe ensuite la parole aux différent·es intervenant·es.
Introduction historique – Bruno Marchand
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Ancien professeur EPFL et président de nombreux jurys de concours
Bruno Marchand indique qu’il est présent en tant qu’historien et passionné d’architecture. Il défend une vision positive du concours, qui selon lui fait partie de l’ADN des architectes. Il s’agit du seul métier au monde qui se met en concurrence de façon gratuite. Cela confère aux concours d’architecture une dimension culturelle indéniable.
Il souligne que le fait de remettre en question le concours n’est pas nouveau ; tous les 10 ans, des interrogations de ce type sont mises sur la table, et ces moments de réflexion sont salutaires. Sans forcément tout réinventer, il est en effet fondamental de faire évoluer le concours. En tant que président de nombreux jurys, Bruno Marchand défend une démarche conforme à celle préconisée par la SIA.
Il relève également que pour lui, la faiblesse actuelle des concours d’architecture concerne surtout les concours de présélection. Enfin, il termine son intervention en évoquant la prédominance actuelle des expert·es énergétiques dans les jurys de concours, et l’importance accordée dans les jugements à tout ce qui concerne les changements climatiques, un aspect qu’il juge problématique.
Raphaël Nussbaumer
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Architecte et membre de la commission SIA 142
Raphaël Nussbaumer démarre son intervention en rappelant que la définition de la culture du bâti est désormais établie dans la déclaration de Davos, et ce depuis 2018. Cette déclaration mentionne notamment le fait que toutes les disciplines et tous·tes les professionnel·les doivent être impliqué·es sur un pied d’égalité. Cette exigence doit transparaître dans la constitution des jurys, qui doivent toujours intégrer un·e représentant·e de la culture locale. Il en va de même pour la société civile.
Le règlement de la mise en concurrence est quant à lui dicté par les traités internationaux, la loi suisse sur les marchés publics et les règlements locaux. Le règlement SIA 142 peut avoir une valeur juridique si son caractère obligatoire est reconnu. Pour assurer une mise en concurrence loyale, les règles suivantes sont définies : Transparente et égalité de traitementr, perspective d’obtenir un mandat, jugement qualifié et indépendant, rétribution des prestations de nature intellectuelle, respect du droit d’auteur, adéquation de la procédure.
Raphaël Nussbaumer rappelle ensuite les différentes formes de mise en concurrence (appels d’offres, MEP et concours), ainsi que les variantes de procédure (ouverte, sélective, sur invitation). Les règlements se présentent sous forme de cahiers, et il existe également des lignes directrices relatives aux règlements et qui sont disponibles gratuitement. Ces outils sont plus détaillés que les règlements et évoluent davantage dans le temps.
Selon la forme de mise en concurrence, il est possible d’impliquer la société civile à différents stades du concours. De manière générale, solliciter le public permet d’atteindre plusieurs objectifs intéressants, entre autres promouvoir le débat public sur l’architecture et l’urbanisme, améliorer la compréhension pour la proposition primée, ou encore informer le public sur les critères d’appréciation et les arguments d’un jugement. Une ligne directrice porte d’ailleurs sur ce point précis et offre plusieurs possibilités aux entités organisatrices de procédures. En amont du concours, il est par exemple possible d’organiser des ateliers ou des études test. Durant le concours, il est également possible de faire participer le public au jury. Autre exemple, les villes de Bâle et Zürich ont ouvert les jurys de concours au public, avec la possibilité pour tout un chacun d’assister à la discussion. Enfin, une fois le projet lauréat sélectionné, le public peut avoir l’occasion d’interagir avec le projet, par exemple via un rapport qui lui est destiné.
Ivo Bösch
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Rédacteur, Hochparterre Wettbewerbe
Une grande enquête a été menée en Suisse alémanique auprès de 270 bureaux d’architectes. De nombreuses questions portaient sur le sujet du concours. On y découvre notamment qu’une grande part des bureaux interrogés s’oppose au passage à des procédures entièrement numériques.
Ivo Bösch poursuit en présentant une procédure sélective complétement virtuelle ayant été menée à Coire. Les traditionnels modèles en plâtre ont laissé la place à des modèles numériques dans lesquels il était possible de se plonger.
Il présente ensuite une procédure menée par la Ville de Bâle pour la construction d’une école primaire. Le projet avait démarré par un concours d’idées anonyme et ouvert, dans le but de favoriser la participation des jeunes, ainsi que les idées les plus durables possibles. Cinq bureaux ont ensuite été sélectionnés pour une seconde phase. Le MEP est actuellement encore en cours.
Ivo Bösch présente ensuite un graphique issu d’une publication de 2013. En Suisse alémanique, seulement un quart des procédures sont ouvertes, contre trois quarts en Suisse romande.
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Comment intégrer les concours numériques ?
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Comment trouver des solutions pour la crise climatique ?
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Comment forcer les concours ouverts ?
Nicole Christe
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Cheffe du Service d’architecture de la Ville de Lausanne
Nicole Christe, qui représente la voix des MO publics, commence par dresser un bilan de vingt ans de concours à la Ville de Lausanne. Sur la cinquantaine de procédures organisées, près de la moitié sont des concours ouverts, et l’autre moitié se répartit entre concours sélectifs et MEP. Un quart des lauréats a moins de quarante ans. Et en ce qui concerne les lauréats étrangers, seuls deux ont obtenu un premier prix.
Cette période a été caractérisée par de nombreux grands projets et par des procédures variées. Le taux de réalisation a été élevé et les règlements SIA 142 et 143 systématiquement appliqués. La Ville a également affiché sa volonté d’intégrer la relève, objectif atteint au vu des chiffres des attributions de mandats.
Mais dans le même temps, les projets se sont complexifiés, avec toujours plus de contraintes et de critères (notamment sociaux, environnementaux et économiques). Les expertises se multiplient et ont toujours plus de poids, et le public montre de plus en plus d’intérêt pour son cadre de vie. La recherche du bon projet et des partenaires compétent·es est donc un travail de longue haleine qui devient de plus en plus complexe.
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Transformation de la Maison du Désert : pour ce projet, le public a été intégré à divers stades de la procédure : le programme a été élaboré avec les usager·es via des ateliers et forum, le collège d’expert·es comptait deux membres citoyen·nes, et les candidat·es au projet ont participé au forum des habitant·es avant le début des études.
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Riponne-Tunnel : pour ce concours d’idées, le cahier des charges a été élaboré de manière participative via des balades, des ateliers et des entretiens. Le jugement des projets et les délibérations du jury se sont déroulées en partie en présence du public. Plusieurs représentant·es des usager·es faisaient partie du jury.
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Maison de quartier des Plaines-du-Loup : dans le cadre du projet Métamorphose, c’est un MEP qui est en cours et dont le programme a lui aussi été élaboré de façon participative, avec des usager·es présent·es au sein du collège d’expert·es. La relève y est également promue, avec une place sur quatre qui a été réservée à de jeunes architectes.
Nicole Christe termine son intervention en présentant quelques pistes pour l’avenir des concours. En tant que MO, elle a pris conscience de l’importance d’intégrer la société civile à différents stades de la procédure. Elle souligne également l’importance de minimiser les risques et de garantir l’intérêt public, et ajoute qu’il est parfois intéressant de mixer les règlements SIA 142 et 143 afin de sortir de l’effet « boîte noire » parfois induit par le concours.
Laurent Guidetti
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Architecte et président de jurys de concours
Laurent Guidetti démarre son intervention en affichant une position franche sur le concours SIA 142 : à ses yeux, il date d’un autre siècle, n’offre aucune garantie de qualité et n’est pas du tout adapté aux défis auxquels on doit répondre aujourd’hui. Il remet également en question l’anonymat, qu’il n’estime pas forcément être une solution assurant un jugement équitable.
Il partage ensuite son expérience en tant que président du jury d’un concours un peu particulier, organisé par des coopératives d’habitant·es à Meyrin. La demande était claire : il fallait que le concours soit participatif. Pour répondre à cette demande complexe, 14 variantes de procédures ont été élaborées avant de trouver un terrain d’entente.
Selon Laurent Guidetti, l’intérêt d’une procédure de ce type réside surtout dans le fait qu’elle permet aux futur·es habitant·es de comprendre la réalité des concours et de prendre conscience du travail colossal que les architectes fournissent sur les projets.
Le concours de Meyrin était certifié SIA 142, ouvert et anonyme. Après la première étape, cinq bureaux ont été choisis pour une soirée participative de présentation des projets et de réponses aux questions entre les concurrent·es et le jury. Pour éviter que les membres du jury ne soient influencé·es, le rôle de président a revêtu une importance particulière ; il a servi d’intermédiaire pour présenter l’avis du jury aux concurrent·es, et pour relayer les questions de ces derniers au jury.
Laurent Guidetti termine son intervention en rappelant qu’il faut faire attention à ne pas mener de concours alibi. Les procédures organisées par des « cowboys » existent et menacent l’institution du concours.
Table ronde
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Nicole Christe évoque la possibilité d’un concept de concours plus léger, qui permettrait de limiter les heures de travail considérables des concurrent·es. Un nombre restreint de candidat·es seraient ensuite sélectionné·es pour livrer des propositions plus abouties. Mais pour que ce type de concours soit institutionnalisé, il faut que la SIA 142 s’adapte à ces nouvelles manières de faire.
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La question des procédures en deux phases (idée, puis projet) est également évoquée comme une possible solution alternative. Mais elle ne répond pas à tous les enjeux. Un architecte paysagiste dans le public relève que pour lui, arriver seulement au second tour où la forme urbaine est déjà choisie n’est pas idéal.
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Il est également question d’organiser des procédures plus ouvertes et/ou en deux phases également pour les ingénieur·es.
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Plusieurs personnes présentes dans la salle insistent sur l’importance d’avoir un cahier des charges bien réalisé. Nicole Christe tempère en rappelant qu’une fois le concours terminé, ce sont les politiques qui portent les projets et se retrouvent face à la population, à son jugement et à ses questions.