Urbanités du 15 mai 2023 - le compte rendu
Lionel Rinquet, modérateur de la soirée, souhaite la bienvenue au public nombre réuni au F’AR pour ce débat. Il passe immédiatement la parole à Marc Frochaux pour un mot d’introduction.
Introduction
Marc Frochaux, rédacteur en chef de la revue Tracés
Marc Frochaux se réjouit de cette occasion de débattre de façon critique et professionnelle. En préambule, il se demande s’il ne faut balayer les objectifs de société à 2000W fixés à l’époque, car aujourd’hui peu de quartiers parviennent à concilier urbanisation et mobilité.
Dès ses premières esquisses, le projet des Plaines-du-Loup a été pensé comme un quartier mixte et participatif, évitant ainsi la création d’un ghetto composé de personnes issues du même milieu social (comme c’est le cas dans les coopératives zurichoises). Marc Frochaux s’interroge : ne faudrait-il pas faire davantage confiance aux habitant·es qui portent ces projets de coopérative et à leurs propositions souvent ambitieuses et expérimentales ?
Il évoque également la question de la densité de ce nouveau quartier, qui accueillera à terme 11’000 personnes. Faut-il analyser le fonctionnement des pièces les plus denses du PPA1 avant de décider comment procéder dans le PPA2 ?
Enfin, il termine son introduction en évoquant le béton, matériau décrié dans le cadre de la pièce urbaine E qui a imposé des enveloppes extérieures en béton. Il se demande s’il aurait fallu faire davantage confiance aux architectes pour laisser plus de place à l’expérimentation.
Outils et labels pour la certification des quartiers durables, comment s’y retrouver dans cette jungle de labels ?
Gilles Desthieux, prof. HES associé, chercheur, hepia, Genève
Gilles Desthieux, ingénieur environnement EPFL, a beaucoup travaillé sur les questions de quartiers durables.
Comme cadre pour son intervention, il aborde les 17 objectifs du développement durable des Nations Unies. L’agenda 2030 met l’accent sur les collectivités et dans cette optique, les quartiers et communes vont jouer un rôle déterminant. Mais il faut commencer par se demander quelle est la ville idéale et pour cela, Gilles Desthieux insiste sur la nécessité de disposer de repères et de références. En ce sens, les labels représentent des outils importants.
Dans la construction, les labels foisonnent : matériaux, santé, durabilité, énergie, etc. Il en existe à différentes échelles en Suisse, et on trouve également des labels internationaux.
Un quartier durable est bien plus qu’une somme de bâtiments énergétiquement performants ; de nombreux autres aspects doivent être traités dans le cadre de ce type de démarche. Gilles Desthieux évoque ainsi des thèmes comme la gouvernance, le côté social, l’économie, la mobilité, les ressources, les déchets, l’eau, les nuisances, la santé, etc. Un écoquartier doit donc favoriser la qualité du logement et des espaces publics, le vivre ensemble et le lien social mais également la connexion avec la ville.
Il présente ensuite l’exemple du label Site 2000W, qui n’est pas seulement lié au thème de l’énergie, mais qui couvre tous les aspects du développement durable avec des volets climat, énergie, gestion, communication, urbanisme, mobilité, etc. Il s’agit donc d’un label plutôt complet avec des éléments qualitatifs et quantitatifs. Il s’inscrit également dans un processus temporel tenant compte de différentes phases. La labellisation doit être renouvelée tous les quatre ans pour éviter une érosion des objectifs sur la durée. Le site de Malley constitue un exemple emblématique de l’application de ce label. Plusieurs portions du futur quartier y ont été certifiées Site 2000 watts.
Gilles Desthieux évoque également le label SEED, qui émane de la démarche One Planet Living. Cette certification repose sur 6 principes et fonctionne par phases.
Actuellement, les labels pour les quartiers en Suisse sont en cours d’harmonisation. On trouvera donc le label Minergie Quartier (où chaque bâtiment doit au minimum être certifié Minergie), dans lequel de nombreux thèmes sont pris en compte : mobilité, énergie grise, espaces extérieurs. L’accent y est mis sur la haute efficience énergétique. Et également le label SNBS Quartier, qui se rapproche des principes des sites 2000W, avec la prise en compte du quartier dans son ensemble.
Métamorphose, durable ?
Guillaume Dekkil, responsable du bureau de développement et du projet Métamorphose, Ville de Lausanne.
Guillaume Dekkil, ingénieur urbaniste de l’Université de Grenoble, occupe depuis deux ans le poste de responsable du bureau du développement et du projet Métamorphose. Il a également travaillé à l’EPFL et aux CFF.
Il présente une vue d’ensemble du projet Métamorphose qui s’étend sur plusieurs quartiers de l’agglomération lausannoise. Il permettra de proposer de nombreux nouveaux logements pour faire face à l’augmentation de la population.
Guillaume Dekkil se concentre ensuite sur le projet des Plaines-du-Loup, divisé en plusieurs étapes. La première d’entre elles, actuellement en cours, devrait se terminer en 2024.
Il évoque la question de la mixité sociale, très importante pour ce projet et présente parfois même à l’échelle de bâtiment. Le projet a été pensé par pièces urbaines, une approche originale qui représente également un défi de taille pour les personnes œuvrant à sa construction. En effet, ce ne sont pas moins de 20 maîtrises d’ouvrages indépendantes qui ont dû travailler ensemble dans un environnement très dense.
Sur certaines parties du quartier, les bâtiments sont terminés et les espaces publics en cours de finalisation. Une maison de quartier est actuellement à l’enquête et verra le jour en 2025 au bout du parc.
Le projet a été conduit avec SméO, qui n’est pas un label mais plutôt une approche qui accompagne la durabilité en prenant en compte une multitude d’aspects (gouvernance, mobilité, qualité de vie, biodiversité, etc.). Pour les questions de construction durable, le projet a adopté les principes de la société à 2000W.
En termes d’approvisionnement énergétique, le projet vise à maximiser la densité. Un parking centralisé a été mis en place au nord du site ; tout le reste est libéré des voitures (à l’exception des emplacements réservés aux personnes à mobilité réduite). Le site dispose également de sondes géothermiques et d’un système de récupération de la chaleur des eaux usées. Les surfaces de panneaux solaires photovoltaïques sont maximisées au-delà des contraintes légales.
Au sud du quartier, c’est la deuxième étape qui se déploiera. Pour cette dernière, le type de programme souhaité pour chacun des lots est désigné à l’avance. Un concours d’espaces publics a été mené avant l’aboutissement du projet.
Guillaume Dekkil évoque ensuite les Près-de-Vidy, un projet de quartier à vocation économique et de logements. Des fouilles archéologiques doivent y être réalisées, puis le processus de recherche d’investisseurs devrait pouvoir s’enclencher en 2024, et les concours lancés en 2025-2026.
Guillaume Dekkil conclut en rappelant que de manière générale, il est nécessaire de revoir les objectifs à la hausse en intégrant toujours de nouveaux enjeux. En effet, lorsque l’on livre le quartier, il a été pensé plus de 10 ans auparavant. Cette inertie oblige les planificateur·rices à la flexibilité et à l’humilité au travers des processus.
Projet OAK
Jeanne Della Casa, architecte, L-architectes, Lausanne
Jeanne Della Casa, architecte et fondatrices du bureau L-architectes, a contribué au projet des Plaines-du-Loup avec OAK, un immeuble de logements.
Elle présente quelques images et plans de ce projet à présent investi par ses habitant·es. Elle rappelle la nécessité de construire des logements pour les gens qui vont y vivre. Elle évoque également l’importance des espaces vides.
Le projet comprend une salle de coworking, des locaux communs sur la terrasse, une salle des fêtes avec une cuisine.
Jeanne Della Casa évoque également le processus de réalisation de la pièce urbaine E. Tous les bureaux ont déposé les autorisations de construire en même temps, ce qui a permis une cohérence entre les projets constructifs.
Table ronde / discussion
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Est à nouveau évoquée la question du temps entre la conception et la réalisation. En effet, des enjeux qui n’étaient pas actuels il y a 10 ou 15 ans sont aujourd’hui devenus des thèmes phares. Avec une volonté politique ferme, il est possible de poser certains éléments dès le départ et donc d’aller plus loin que ce que le contexte actuel le permet.
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Le concept choisi jusqu’alors aux Plaines-du-Loup consistait à fixer des volumes maximaux au sein desquels les architectes pouvaient concevoir librement leurs projets. Une personne du public se demande si ce concept pourrait être étendu à la question énergétique, avec pour chacun des lots un seuil à ne pas dépasser. Les intervenant·es considèrent cette option comme envisageable, surtout que comme le précise Gilles Desthieux, la compensation énergétique se fait à l’échelle du quartier. Jeanne Della Casa rappelle toutefois que pour cela, il sera nécessaire d’alléger certaines normes qui actuellement peuvent être très contraignantes.
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Une personne du public pose également la question de la vie de quartier, qui fait également partie intégrante de la durabilité. Guillaume Dekkil évoque l’existence du forum de participation des habitant·es. Pour le moment, seule la pièce urbaine E est habitée, donc il faudra attendre pour voir comment se construit cette vie de quartier. Il précise également que pour les prochaines pièces urbaines, il existe la volonté de proposer de nouvelles formes d’habitat et davantage de flexibilité pour tester des choses. Jeanne Della Casa rappelle le défi de tout créer à partir de rien.
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Une dernière question concerne le réemploi : est-il prévu d’alléger les normes à ce sujet ? Guillaume Dekkil répond que la réflexion est encore en cours, mais que Métamorphose essaie d’imaginer un quartier à bilan neutre entre ce qui est excavé et ce qui est réintroduit pour le nivellement.